Le nouveau monde
Editions 2042
Le nouveau monde
- N34
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Après une année 2024 en forme de feu d'artifice, remplie de livres, d'expositions et de fête, les éditions 2024 ouvrent péniblement les yeux. On hésite, on se pince… on allume le poste… Michel Drucker est là, qui nous souhaite "Bonne année !"
À l'évidence, la Terre n'a pas explosé. Un peu désappointés (un peu soulagés, aussi), on prend acte de ce paradigme inattendu, et on contemple l'horizon infini qui s'ouvre devant nous… 2024, c'est terminé : que faire ?
Des livres ? C'est sans doute la seule chose qui vaille. Il faudrait juste trouver un nouveau nom qui sonne bien, qui soit la promesse d'un futur encore plus beau que les 14 années déjà passées ensemble. Le brainstorming est intense, audacieux, formidable : nous l'achevons au bout de la nuit, protégeant comme un trésor le brouillon fatigué sur lequel figure, surligné en rose au milieu des innombrables ratures, ce qui sera notre nouvel étendard :
BIENVENUE AUX ÉDITIONS 2042 !
Voici donc notre nouveau cap, notre phare dans la nuit, notre étoile dans le désert.
18 printemps, 18 étés, 18 Noëls, 18 polémiques à Angoulême. 18 rentrées littéraires, 18 bouclages estivaux sous la canicule, 18 grandes vacances à réorganiser les cartons dans la cave.
18 fois (environ) 12 livres, cela fait (environ) 216 livres pour vous tenir compagnie, vous surprendre, vous secouer les puces ou vous faire regarder le monde avec tendresse.
Ces livres naîtront sous le signe de l’amitié que nous portons à nos autrices et auteurs ; de l'affection que nous avons pour nos lecteurs et lectrices ; du plaisir que nous avons à travailler avec nos chères et chers représ, libraires, journalistes, bibliothécaires et festivals qui refusent de se laisser ramollir le cerveau et formater l'imagination…
2042 comme un grand Club des Amis : un refuge pour affronter l'avenir, et la promesse de 18 années de bonne compagnie. Ça vous dit ?

Ether
L’ennemi est aux portes de la cité d’Ur. Bientôt, la ville sera mise à sac et disparaîtra des mémoires. Les heures sont comptées : ce petit groupe de citoyens doit prendre la fuite et protéger quelques braises du feu sacré ; partir, portés par le fol espoir de rejoindre la mythique Agartha, où pourra renaître le foyer d’Ur. Le périlleux voyage pourrait durer des années : les haruspices de Tharsis les laisseront-ils passer ? Y a-t-il encore des spirites en Lémuria ? Agartha existe-telle seulement ? Qu’importe, la flamme d’Ur vacille, alors les exilés poursuivent leur chemin à travers tempêtes, cols enneigés et marais saumâtres.Après Hélios (ed.2024, 2016), et Boule de feu (avec Anouk Ricard, ed.2024, 2019) Étienne Chaize reprend son bâton de pèlerin, pour conter l’histoire d’un groupe luttant pour sa survie dans des paysages immenses et fascinants. C’est une lumière, cette fois, qui guide le cortège ; c’est aussi la lumière qui sublime les images époustouflantes d’Étienne Chaize. Il construit au crayon de bois des compositions d’une maitrise technique rare, pour faire d’Ether un livre qui se contemple autant qu’il se lit.
Dessinateur magnétique, démiurge habité par un souffle épique : encore une fois, Étienne Chaize impressionne avec un livre qui relève du miracle.

Je suis un américain
Jean rêve d’Amérique. Jane fantasme la France.
La petite Jeannie, elle, veut une nouvelle famille.
Jean est écrivain, procrastinateur professionnel, toujours sur le point de quitter Paris pour vivre la vraie vie, celle où il est américain. Un soir, il tombe sur Jane, une Américaine qui rêve depuis toute petite de la France. Ce Français un peu loser l’enchante, une parenthèse sublime s’ouvre dans leurs existences, au point de jonction exact de leurs imaginaires. Neuf mois plus tard, Jeannie naît sur le sol américain.
Je suis un Américain est un récit choral, entremêlant les rêves, les fantasmes et les futurs de ces trois personnes. Avec un dessin d’une immense maîtrise et une mise en scène aussi précise qu’inventive, Guillaume Chauchat ausculte le rêve américain à sa façon, sa face lumineuse, celle du fantasme, des illusions de jeunesse et des jeux d’enfants.

Ducky Coco
Ducky Coco n’est pas qu’un canard : c’est un vrai cow-boy. Sur son fidèle canasson, Guiguite, Ducky fait ce que fait un vrai cow-boy : il parcourt les étendues sauvages de l’Ouest, se désaltère dans des saloons poisseux et, au passage, livre quelques bandits à des shérifs fatigués et moustachus.Bref, rien n’a changé dans ce bon vieux Far West... si ce n’est, peut-être, ce tenancier de bar qui aime l’Art contem- porain, ce cheval qui triche aux cartes ou ce revolver qui sert aussi à se brosser les dents — pratique !
L’humour loufoque d’Anouk Ricard fait merveille pour dynamiter les codes du genre. Mêlant histoires courtes et gags en une page, ce livre réunit tout ce que l’on aime chez Anouk Ricard et dans les westerns : de la bière sans faux col, des personnages saugrenus, de grands espaces et des blagues qui arrivent sans crier gare.
Certes, Ducky Coco est le seul cow-boy de cette histoire, mais Anouk Ricard n’a pas son pareil pour désarçon- ner les outlaws. Si tu n’aimes pas l’humour « absurde » ou « décalé », Étranger, passe ton chemin.

Au travers du rayon
C’est l’été, Jeanne occupe un petit boulot de concierge dans un immeuble. Le temps s’écoule en regardant des films dans sa loge ou au cinéma du quartier. En attendant une éventuelle rentrée à la fac, elle potasse quelques livres sur le septième art. C’est ainsi qu’elle entend parler des passerelles cinématographiques, une théorie on pourrait, comme le fameux rayon vert évoqué chez Éric Rohmer, rencontrer dans la réalité des personnages de film, revivre avec eux certaines scènes. A ce moment précis, réalité et fiction coïncideraient parfaitement, enfin.
Cette théorie va dès lors complètement obséder Jeanne, persuadée d’avoir croisé au parc deux personnages issus d’un film visionné récemment. Ne reste plus qu’à recréer les conditions de cette apparition, répéter les répliques, revivre la scène ; ne reste plus qu’à entraîner ses amis, malgré eux, dans cette histoire un peu folle.
Bientôt, Jeanne ne vit plus que pour cette obsession, qui peu à peu lui fait perdre pied, jusqu’au vertige.
Au travers du rayon est un premier livre troublant, qui explore ce moment où l’adolescence se termine dans les derniers jours de l’été. Un pied dans la vie, la tête dans les rêves, Jeanne cherche une échappatoire à la réalité. Si on ne croit plus que le cinéma puisse bouleverser nos vies, à quoi bon continuer à regarder des films ?

Le Club des Amis 4 - La montagne qui pleure
C’est l’été ! Nous retrouvons Tulipe, Crocus et Violette sous une chaleur torride, qui les empêche même de jouer à cache-cache.En pareil cas, un seul remède : se baigner dans la rivière !
Mais catastrophe ! Celle-ci est à sec. C’est toute la survie de cette petite communauté qui est menacée. Ni une ni deux, le Club des amis décide de partir à la recherche des sources, dans les Monts Noirs.
Qui empêche l’eau d’arriver dans la vallée ? Serait-ce ce petit peuple bien curieux, qui adore ranger toutes les choses, eau et animaux compris, situées entre le ciel et la terre ?
Ou y aurait-il une autre source, aussi adorable qu’inconsolable, à tous ces malheurs ?
Qu’importe le soleil, le Club des amis se lance à l’assaut de la Montagne qui pleure pour résoudre tous ces mystères !

Les Amours de Tulipe
Qu’est-ce qui pourrait changer dans le petit monde de Tulipe ?Chaque élément semble être là de toute éternité, et pourtant tout bouge. Quelques personnages apparaissent, disparaissent, reviennent. Ceux que nous sommes habitués à voir continuent de s’agiter anxieusement. Seul l’amour de Tulipe pour son arbre ne souffre d’aucun mouvement. Il souffre plutôt du silence. C’est vexant pour Tulipe qui, si indolent par ailleurs, fournit des efforts démesurés. « Je t’aime », lit-on dans ce cinquième volume. Ce n’est pas rien.
C’est beaucoup trop pour Violette, qui croulerait sous le poids de ces mots. C’est bien peu de choses pour Crocus, pour qui ces mots sont si courts qu’ils se dissipent à peine prononcés. Ce n’est pas vraiment le sujet, semblent murmurer le soleil, la lune et les extraterrestres qui, une fois par millénaire, jettent un coup d’œil distrait de ce côté de l’univers. Et pourtant.
Sophie Guerrive ne construit pas une œuvre, elle n’a pas l’âme d’une bâtisseuse ; ou ce qu’elle construit, quand on veut parler de Tulipe, n’a rien à voir avec les monuments violemment érigés pour conjurer le passage du temps. Caillou par caillou, brindille par brindille, l’œuvre de Sophie Guerrive existe, à côté de nous, comme une seconde nature, comme un second monde à côté du nôtre, et qu’on a la chance de fréquenter, parfois, grâce à elle.

JeanJambe et le mystère des profondeurs
Une corde affleure à la surface de l’eau. Sur son canot, un être, qui semble découpé dans ce même fil, s’en saisit pour voir où ça le mène : sur une île.
Il accoste. Puisque, suivant ce fil d’Ariane, il enjambe rochers et crevasses, appelons-le JeanJambe.
Explorant les gouffres calcaires, dévalant les parois en cristal, JeanJambe affronte chauves-souris et éclairs, impressionné et fasciné par tant de merveilles. Quel spectacle !
Après les aventures du scaphandrier Jim Curious sous l’océan et dans la jungle, Matthias Picard nous offre une nouvelle splendide aventure en 3D – cette fois en photographiant les sublimes paysages cachés sous nos pieds.
La candeur de JeanJambe tranche avec les somptueux décors conçus par un dessinateur qui tient tout autant de l’illusionniste que du cinéaste fou. Jonglant avec les focales, les microscopes, construisant et moulant au plâtre, il a magnifié dans sa mise en scène un matériel glané ça et là, au gré des promenades. Comme un enfant qui n’a cessé de considérer cailloux et graviers comme des trésors, Matthias Picard a fait de JeanJambe une épopée époustouflante, qui ravira toutes les générations !

Alyte
Soudain, un vacarme vrombissant déchire le crépuscule. Lorsque revient le silence, un crapaud gît sur le bitume. Regroupant ses dernières forces, il porte son chapelet d'œufs jusqu'aux eaux salvatrices de l'étang — et du seul œuf indemne éclot un têtard orphelin : Alyte est un survivant.À peine né, et déjà il faut se battre ! échapper aux oiseaux, aux ours et autres dieux du monde de la rivière. Heureusement, un saumon lui montre comment se servir des courants et déjouer les pièges. Ce saumon s'appelle Iode, c'est son premier ami. Plus tard, Alyte rencontrera un chevreau et un aigle ; un hibou, et enfin Axon, le plus vieil arbre de la forêt. Chacun d'eux lui parlera du monde à sa façon, l’éveillant à ses beautés. Et bientôt viendra le temps pour Alyte de prendre soin, à son tour, d'un nouveau chapelet d'œufs. Il lui faudra alors, comme son père avant lui,franchir la léthalyte. Cette ligne droite qui traverse la forêt et gronde à l’approche des animaux. Cette ligne noire qui les fauche sans raison, face à laquelle le minuscule Alyte n'a presque rien à opposer, sinon son immense soif de vie. Après Le Discours de la panthère, Jérémie Moreau continue son exploration du sauvage qui vit à nos côtés, aussi proche qu'invisible. Parmi la multitude de drames qui s’y jouent, il choisit de mettre en scène le plus redoutable : celui de la confrontation avec un monde humain absurde et aveugle,sa violence mortifère, sans but et sans égards. Avec Alyte, un Jérémie Moreau toujours plus virtuose invite son lecteur à changer son rapport au vivant et entrer, comme ce valeureux crapaud,en résistance.

Le ver de terre amoureux d'une étoile
Le nom de Benjamin Rabier (1864-1939) résonne encore aujourd’hui dans les mémoires. L’illustrateur animalier fait en effet partie du patrimoine des arts graphiques français : il est l'inventeur du bovin hilare qui figure depuis 1921 sur les boîtes de "La Vache qui rit", et Gédéon, son canard jaune à long cou, est le héros mémorable d’une série de livres pour la jeunesse toujours réédités. On connaît moins le Benjamin Rabier auteur de bande dessinée : pourtant, avec plus de 1400 pages dans Le Pêle-Mêle, Le Journal amusant, ou encore La Jeunesse illustrée — revue dont il est à l'époque le dessinateur vedette — il en est l'un des artistes majeurs du début du XXe siècle.Excellant dans l’exercice du gag en une page, Benjamin Rabier y met en scène son bestiaire composé d’animaux de toutes sortes, d’enfants terribles, et d’objets qui jouent de mauvais tours, dans le plus pur style burlesque de l’époque. Son trait naturaliste, son humour parfois cru, et son goût pour le mécanisme et les jeux de logique en font un précurseur essentiel, dont on mesure l’influence dans les générations suivantes et notamment chez Hergé.
Cette anthologie, établie par Antoine Sausverd, remet enfin cette œuvre en lumière et rappelle, avec bonheur, la place majeure qu'occupe Benjamin Rabier dans l’histoire de la bande dessinée.