52e ÉDITION – 30 janvier au 02 février 2025
Journée pro : 29 janvier
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Claire Bretécher 1940-2020

Il a souvent été dit que Claire Bretécher n’avait pas réellement été « Grand Prix » du Festival d’Angoulême. Qu’elle n’avait reçu qu’un trivial « prix anniversaire », en 1982, pour la 10e édition de l’événement. C’est faux. C’est même tout le contraire : Claire Bretécher devrait être considérée comme le premier véritable Grand Prix du Festival d’Angoulême, et pour cause : elle est la première à avoir été distinguée par ses pairs.

Jusqu’alors, la récompense est remise par un jury composé de journalistes, de professeurs, de spécialistes, du Maire d’Angoulême, du Président du Festival et du Grand Prix de l’édition précédente. Mais lorsque le Festival décide de créer un prix spécial à l’occasion de sa dixième édition, il confie exceptionnellement cette tâche aux membres de l’académie des Grands Prix. Personne n’imagine alors que cette formule d’élection, bien plus légitime, sera adoptée quelques années plus tard pour être conservée plusieurs décennies durant.

Claire Bretécher est ainsi la première lauréate élue par André Franquin, Fred, René Pellos, Jean Giraud, Paul Gillon et Bob de Moor (lequel représente Hergé lors du vote). Seuls manquent Jijé, décédé en 1980, Will Eisner, resté aux Etats-Unis, Marijac et Reiser. Au cours des débats, Claire Bretécher est préférée à Jacques Tardi et Jean-Claude Forest, qui seront tous deux élus Grands Prix quelques années plus tard. C’est dire.

C’est une artiste multiple qui est alors célébrée. Une sociologue, une humoriste, une dessinatrice rigoureuse qui cache son travail méticuleux derrière la nonchalance de ses personnages. Une portraitiste juste qui vient d’inventer un langage, captant son époque, sans jamais laisser le cynisme ou les désillusions l’emporter sur la tendresse. Dans son petit théâtre, la moindre pose est sentie, chaque mot pesé. Agrippine, Cellulite, les jeunes bourgeois dynamiques des Frustrés trouvent sous sa plume une singularité puissante qui ne repose pas sur la saturation de détails ou de traits. Bretécher insuffle la vie. Les centaines de scènes de débats et de dialogues qu’elle laisse aujourd’hui derrière elle forment le portrait d’une humanité traversée par les contradictions et un modèle d’écriture. C’est au premier Grand Prix décerné par ses pairs que le Festival dit « au revoir » aujourd’hui. Puissent ses héritiers continuer de jeter sur le monde leur regard avec la même rectitude.

Stéphane Beaujean